Interview du 4 juin 2002
Supertramp plus vivant que jamais

La preuve par un disque et une tournée mondiale, dont une halte à Paléo. Interview du saxophoniste, John Helliwell

On les croyait disparus, Supertramp. Depuis longtemps effacées les rengaines de Breakfast in America, Dreamer ou Logical Song. C'est que le groupe créé en 1969 a frôlé la rupture plus d'une fois. Notamment après le départ du compositeur Roger Hodgson, en 1983.

Mais un premier sursaut, en 1985, avec un album écrit par Rick Davies, ressuscitait le piano cristallin et les mélodies swingantes du groupe anglais. Suivait Free as a bird et puis le silence pendant plus de dix ans. Jusqu'au dernier album, "Slow Motion", sorti ce printemps. Malgré cette trajectoire à éclipses, les mammouths du rock sont entrés dans la légende. Retour dans la mémoire avec John Helliwell, 57 ans, saxophoniste de la première heure.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de rejoindre le groupe pour un nouvel album ?

Les chansons de Rick. Il nous a envoyé une démo, en nous demandant notre avis. Ça sonnait assez bien pour retravailler ensemble et refaire un album.

Mais est-ce que le feu sacré est toujours là ?

Oui, plus que jamais. Nous nous sentons bien maintenant, il y a une très bonne ambiance autour du dernier album. En fait, il prend vie avec la tournée. Le groupe actuel est très bon.

Aussi bon qu'autrefois ?

Meilleur! Les relations entre nous, la musique, la manière dont nous l'interprétons, tout fonctionne mieux. Je crois que le spectacle aussi est excellent.

Comment décririez-vous le dernier album ?

Pour moi, il montre davantage l'âme du groupe. On y trouve les principales influences musicales qui nous ont façonnés, Rick et moi. Ce côté un peu jazzy, ce rock des années 50, le R&B... Il contient aussi la marque de fabrique de Supertramp, avec la batterie de Bob Siebenberg, l'éternel piano électrique, etc. Tout ce qui fait notre son, ce son que nous avons créé. Nous n'avons jamais suivi les modes, nous inventons notre propre musique.

Pourquoi le titre "Slow Motion"? Est-ce que c'est aussi votre philosophie de la vie ?

Oui, avec l'âge, on devient plus détaché. C'est une manière de dire aux gens: ralentissez un peu de temps à autre, sortez du brouhaha quotidien et essayez de vous concentrer sur une chose pendant un instant.

Quelle est votre participation dans le processus créatif ?

Rick écrit les chansons et nous apportons parfois quelques suggestions. Et puis chacun fait ses solos. Disons que le processus est un peu moins démocratique que dans les années 70. La structure était alors différente, puisqu'il y avait deux compositeurs, Rick et Roger. Aujourd'hui, c'est plus le groupe de Rick. C'est lui qui a écrit les 90 % du disque. Ce qui est très bien, puisque c'est un excellent compositeur!

Quelle est votre relation avec l'Europe et la Suisse en particulier ?

C'est étonnant de voir comme on est apprécié sur le continent... On a énormément de concerts en Suisse et en Allemagne. C'est vraiment le territoire de Supertramp, ici.

Comment l'expliquez-vous ?

Je ne sais pas. Je crois que les gens de ce côté-ci de l'Atlantique se soucient moins des modes. Nous avons notre public en France, en Espagne, en Belgique et ce qui est surprenant, c'est qu'il est très mélangé: jeunes, moins jeunes, vieux. Alors qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, nous drainons un public plus âgé: là-bas nous faisons figure de papys du rock... Sur scène, nous jouons quelques morceaux du dernier album mais aussi les tubes, bien sûr. Parce que nous sommes fiers de ce que nous avons fait dans le passé.

Supertramp: trente ans d'âge. Quel est le secret de la longévité ?

C'est probablement dû aux valeurs dont nous parlions tout à l'heure: le fait de privilégier la mélodie et la musique plutôt que de soigner une image. Comme Pink Floyd, nous ne sommes pas connus personnellement, mais les gens reconnaissent nos compositions.

N'est-ce pas étrange pour un groupe d'être séparé et de ne jouer ensemble qu'en tournée ?

C'est vrai que nous sommes tous disséminés aux quatre coins du globe. Rick est à Long Island, moi je suis en Angleterre et les autres sont en Californie. Mais a fonctionne comme ça. Si nous faisions un album et une tournée par année, la musique ne serait pas aussi bonne et le public se lasserait. "Là, chaque album est un évènement spécial. Rick a besoin de temps pour écrire. Je ne sais pas quand sortira le prochain. Dans deux ans ou jamais? Est-ce notre dernière tournée ? Pour le moment, on se sent bien, musicalement et dans nos têtes. Je suis entré dans le groupe à 28 ans. Je ne pensais pas que j'y serais encore trente ans plus tard! Qui sait, on partira peut-être encore en tournée dans vingt ans...

Avez-vous jamais songé à une carrière solo ?

C'est drôle que vous parliez de ça, parce que Rick vient de me proposer de produire un album solo. Peut-être que je m'y mettrai après la tournée. Sinon je resterai la maison, à faire le jardin et du vélo.

Qu'attendez-vous de Paléo ? ( Paleo est une ville de Suisse )

J'aime beaucoup les concerts open air, parce que le son est très bon. Espérons qu'il ne fera pas trop froid, pas pour moi, mais pour les instruments, en particulier le saxo. Bah, au pire, on mettra un petit chauffage... Au fait, vous savez quoi?

Non ?

Je suis grand-père depuis deux semaines et demie. Je n'ai pas encore vu mon petit-fils, puisqu'il vit en Nouvelle-Zélande. Il s'appelle Edgar, Edgar Helliwell. A 57 ans, je suis le premier grand-père du groupe! Il y a trois cents ans, je passais pour un très vieil homme... il faut dire qu'à l'époque, ils n'avaient pas le rock. C'est sans doute pour ça qu'ils ne vivaient pas aussi vieux... (Rires) Oui! Avec le rock, on reste jeune plus longtemps. On devient sourd, mais on est heureux!

Propos recueillis par Patricia Brambilla

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