Article du lundi 26 août 2002
Tournée d'adieu pour Supertramp ?
Michel Bilodeau
Le Soleil


La tournée One More For The Road sera-t-elle la dernière de Supertramp? Si Rick Davies, qui se produira avec son groupe le 4 septembre au Centre Molson, ne peut, pour le moment, répondre à cette question, il admet du même souffle qu'il jongle depuis un bon moment avec l'idée.


"Ça fait plus de 30 ans que le groupe roule. Je ne veux pas le saborder, mais je suis prêt à passer à autre chose. Il y a d'autre avenues que le traditionnel pattern disque-tournée. J'ai besoin de temps pour réaliser des projets personnels", raconte Rick Davies en entrevue.


Lorsqu'il a fondé Supertramp avec la complicité de Roger Hodgson, au début des années 1970 (une période où la scène musicale de rock progressif était en pleine ébullition en Angleterre), il était bien loin de se douter que leur groupe vendrait des millions de disques et qu'il sillonnerait le monde pendant trois décennies.


Chose certaine, le tandem était déterminé et tenace, puisqu'après deux échecs cuisants (Supertramp, Indelibly Stamped), il ne jette pas l'éponge pour autant. Les deux compères ont bien raison puisqu'en 1974, avec une formation stabilisée, le disque Crime Of The Century propulse Supertramp à l'avant-scène grâce, notamment, aux pièces Bloody Well Right et School. Sur sa lancée, le groupe lance les disques Crisis ,What Crisis? (Sister Moonshine), Even InThe Quietest Moments (Give A Little Bit) et surtout Breakfast In America (The Logical Song) qui tient le groupe sur la route pendant un bon moment.


Le départ de Roger Hodgson en 1982 ébranle Supertramp, mais Rick Davies choisit de maintenir le cap. L'âge d'or du groupe est certes derrière lui, mais Rick Davies poursuit en réalisant notamment Brother Were You Bound et Free as a Bird. Assuré somme toute d'un public fidèle, la troupe continue à sillonner le monde régulièrement et Rick Davies a bien l'impression qu'il pourrait continuer à le faire pendant un bon moment encore. Mais cette perspective ne lui sourit pas autant qu'il y a une dizaine d'années.


"Nous venons tout juste de boucler une série de 75 concerts en Europe. Nous continuons à avoir un bon public sur ce continent. Nous avons un nom. Un nom qui continue à drainer les foules. C'est le bon côté de la chose. Mais l'autre versant, c'est qu'il faut entretenir tout cela. C'est-à-dire qu'il faut être fidèle à la traditionnelle formule disque-tournée. C'est un côté qui me plaît de moins en moins, car cela monopolise beaucoup de mon temps."


Alors Rick Davies songe-t-il à dissoudre sa fameuse formation? Ce dernier assure qu'il n'a pas le goût de tourner définitivement la page. Il aimerait pouvoir se retrouver en studio avec ses coéquipiers, mais il souhaiterait, par contre, ne présenter que des concerts ponctuels. Les longues tournées de plusieurs mois seraient choses du passé.


"Lorsque nous aurons bouclé la présente tournée, je veux m'asseoir avec les autres pour en discuter. Pour ma part, après 30 ans, je sens le besoin d'envisager les choses autrement. J'aimerais bien que cette formule convienne à tous. Il va sûrement y avoir de longues discussions. Je pense que nous continuons à créer et écrire de bonnes pièces. Il serait intéressant de poursuivre dans cette voie sans être assujettis aux règles de l'industrie."
Le groupe a déjà fait un pas dans cette direction puisque, contrairement à ce qui se passe en Europe, il n'est pas lié avec une maison de disques nord-américaine et son plus récent disque, Slow Motion, n'est tout bonnement pas disponible sur notre continent. Les fans peuvent cependant se le procurer lors des concerts et par l'intermédiaire du site Internet du groupe.


"Pour le moment ça nous convient parfaitement. Nous ne sommes pas parvenus à négocier une entente satisfaisante pour l'Amérique du Nord. Nous avons toujours été bien accueillis chez vous, et ce dès nos débuts. C'est aux États-Unis que c'est difficile et compliqué. Nous voulons un contrat avec des conditions qui nous semblent raisonnables. Je préfère ne pas avoir de contrat qu'un contrat qui ne me plaît pas. Le problème avec les maisons américaines, c'est qu'elles visent pour ainsi dire uniquement le marché des jeunes et qu'elles sont dirigées par des gens qui n'ont pas grand-chose à voir avec la musique. C'est géré par des avocats qui ne visent pas autre chose que les profits faramineux. Pourtant, les autres marchés peuvent être aussi rentables. C'est une vision à court terme qui ne correspond pas à mes attentes", de trancher Rick Davies.


Du même souffle, la figure de proue de Supertramp ajoute qu'il se donne plusieurs mois pour évaluer l'évolution de cette escapade en "indépendant". Si l'expérience est concluante, il songe à concrétiser quelques projets dont il rêve depuis quelques années.
"En étant maître d'oeuvre et ayant plus de temps à ma disposition, j'espère bien pouvoir travailler sur deux projets de disques qui me tiennent à coeur. Le premier sera un disque que je pourrais qualifier d'intimiste. Piano et voix. Point. L'autre serait un disque de blues. J'aimerais bien revisiter une dizaine de pièces, affirme Rick Davies. L'important, pour moi, c'est que je parvienne à y ajouter ma touche personnelle. C'est la musique qui m'a inspiré à mes débuts. C'est cette musique qui m'a donné le goût d'être musicien. Ça serait un peu une façon de boucler la boucle."

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